Nima Endjah : « le sport est le meilleur médicament pour diminuer le risque cardiovasculaire »
Aujourd’hui, Running Care est parti à la rencontre de Nima Endjah, runner et cardiologue spécialisé dans le sport. Ce membre du Club des Cardiologues du Sport accompagne les sportifs au quotidien pour qu’ils pratiquent en bonne santé mais aussi en toute sécurité. A l’occasion des #42 Healthy Running Days, il nous dévoile tous les grands secrets du « coeur » chez les coureurs à pied.
Le running est-il bon pour le coeur et la santé ?
Quelles que soient les activités physiques et sportives, il existe un bénéfice net sur la santé en général. La course à pied en est un excellent exemple puisqu’il s’agit d’une activité assez intense qui, avec une pratique régulière va, améliorer de nombreux paramètres cardiovasculaires, notamment un meilleur contrôle de la tension artérielle, une amélioration de la perfusion des artères du cœur et globalement des performances cardiaques.
Peut-on alors dire que les runners vont vivre vieux et éviter les problèmes cardio-vasculaires ?
L’activité physique et le sport, incluant évidemment la course à pied, restent le meilleur « médicament » pour diminuer le risque cardiovasculaire de chacun à long terme, c’est-à-dire diminuer principalement les risques d’infarctus et d’AVC. Il s’agit également un excellent traitement vis-à-vis de l’anxiété, dépression, l’arthrose, ostéoporose, prévention et diminution des récidives de nombreux cancers…
Certaines études ont même démontré que la pratique régulière du sport peut amener jusqu’à une augmentation de 7 années de l’espérance de vie en bonne santé !
On entend souvent dire « travailler son cardio ». Qu’est-ce que ça veut vraiment dire ?
Cette expression renvoie souvent au travail d’endurance autrement dit améliorer le maintien d’une intensité d’activité sur une durée plus prolongée. Mais il faut savoir que toute activité physique et sportive va améliorer les paramètres cardio-vasculaires que ce soit, pour caricaturer, un sport d’endurance (type course à pied, cyclisme…) ou un sport de force musculaire (type haltérophilie).
En revanche en fonction de l’intensité, un travail différent sera réalisé sur les paramètres entrant en jeu dans la performance (l’endurance, la résistance et les capacités physiques maximales), un des objectifs majeurs de la compétition.
L’intensité va dépendre du type de sport (par exemple : le running, le triathlon, la boxe, le crossfit, le biathlon…) mais également des modalités d’entrainement (volume horaire hebdomadaire, pourcentage des capacités maximales, séances de fractionnées…).
Est-ce bon d’avoir un coeur très musclé ?
Physiologiquement (donc de manière normale), pratiquer du sport à un certain niveau va engendrer des modifications cardiaques que l’on appelle le cœur d’athlète. Cela correspond globalement à une amélioration de la performance cardiaque avec une augmentation des dimensions du cœur. Cette adaptation apparaît au-delà de 6 à 8 heures de sport par semaine pendant plus de six mois.
En revanche, un cœur peut être « musclé » de manière anormale dans certaines pathologies comme la cardiomyopathie hypertrophique responsable parfois de mort-subite du sportif.
Le coeur travaille-t-il de la même manière pendant un travail de fond, de sprint ou de fractionné ?
Afin d’améliorer l’ensemble des paramètres cardiaques, il convient de varier les entraînements. Cela est bien connu des coureurs à pied préparant par exemple un semi-marathon ou un marathon. Un travail de fond va améliorer l’endurance fondamentale ou active alors qu’un travail en fractionnés va permettre d’augmenter les capacités maximales (VMA , VO2 max) et d’améliorer les différents seuils.
Le running peut-il engendrer des problèmes cardiaques ?
Le sport en général n’est pas une cause de problèmes cardiaques mais peut en revanche être un facteur favorisant l’expression d’une pathologie cardiaque sous-jacente amenant parfois jusqu’à la mort-subite. Heureusement, il s’agit d’un événement tragique rare si l’on prend en compte l’ensemble des pratiquants. Le bénéfice restant évidemment largement supérieurs aux risques.
Doit-on réaliser des examens cardiologiques avant de se mettre à courir ?
Il est recommandé dans le cadre de la pratique sportive de réaliser un suivi médical. À partir de l’âge de 12 ans, lors de la première inscription d’obtention d’une licence, un électrocardiogramme de repos devrait être pratiqué afin de dépister une très grande partie ces pathologies cardiaques responsables de la mort-subite du sportif.
Par la suite, après l’âge de 35 ans, nous allons plutôt évaluer le risque cardiaque à long terme pour orienter les examens. Globalement on tombe régulièrement sur la nécessité de pratiquer une épreuve d’effort.
On entend souvent parler des facteurs de risque cardiovasculaires. Qu’est-ce que c’est ?
Il existe de nombreux facteurs de risque cardiovasculaires qui vont augmenter le risque de survenue d’un infarctus d’un AVC ou d’un décès d’une cause cardiovasculaire. En tête de liste chez le runner retrouve le tabagisme, l’hypertension artérielle (souvent méconnue d’ailleurs) et l’hérédité familiale. Bien évidemment, n’oublions pas le diabète, les problèmes de cholestérol et les facteurs favorisants comme la sédentarité, la pollution…
Avez-vous des conseils pour les runners qui veulent entretenir leur coeur sur le long terme ?
Pratiquer la course à pied régulièrement et au long cours même à faible intensité va permettre de diminuer ce risque cardiovasculaire et donc d’améliorer la protection du cœur et des vaisseaux. Il n’est jamais trop tard pour débuter ce type d’activité sous réserve bien évidemment d’un bilan médical au préalable. Il faut savoir également écouter son cœur et consulter son médecin en cas de symptôme inhabituel.
Qu’est-ce que les 10 règles d’or pour les sportifs ?
Il s’agit des règles de bonne pratique du sport afin justement de limiter les problèmes cardiovasculaires qui peuvent en découler. Ses règles sont facilement consultables sur le site du club des cardiologues du sport.
Ces règles ont été créées en 2006 et validées par la médecine puis par le CNOSF. Il s’agit notamment de signaler le moindre symptôme inhabituel à son médecin (douleur dans la poitrine, palpitations baisse de performances..), ne pas fumer et sinon éviter dans l’heure avant et 2 heures après la pratique sportive, faire attention aux températures extrêmes, bien s’hydrater et un sujet d’actualité interrompre sa pratique sportive durant une semaine à 15 jours après un épisode infectieux (syndrome grippal ou fièvre).
Certains médicaments jouent sur les capacités cardiaques. Quels sont-ils ?
De nombreux médicaments n’ont pas d’impact dans la pratique sportive et d’ailleurs il n’est pas rare qu’un sportif même au niveau prenne un traitement par exemple pour de l’hypertension artérielle.
Le traitement auquel on pense régulièrement est le traitement bêtabloquant qui lui va diminuer la performance maximale de 15 à 20% en diminuant la fréquence cardiaque. Cependant, en prendre n’est pas incompatible avec la pratique sportive et qui plus est d’endurance. D’ailleurs il faut savoir qu’il s’agit même d’un médicament considéré comme dopant dans certains sports de précision comme les différents tirs.
Beaucoup de runners ont débuté intensément le running au premier confinement. Avez-vous des conseils pour leur éviter des problèmes cardiaques ?
Avant de reprendre une pratique sportive, notamment la course à pied qui reste un sport intense, il est largement recommandé de bénéficier d’une évaluation médicale. Cela permet de proposer les dépistages adéquats en fonction notamment des facteurs de risque. La reprise du sport intense est un moment clé de survenue de problèmes cardiovasculaires s’il existe des facteurs sous-jacents. Une fois cette évaluation réalisée, la reprise doit être progressive en respectant les règles de bonne pratique.
Certains se sont au contraire arrêtés et vont reprendre de plus belle à l’annonce des courses. Peut-on reprendre des entraînements aussi intenses que lorsqu’on enchainait les courses les années passées ?
De même, après un arrêt prolongé, les mêmes recommandations s’appliquent afin d’éviter non seulement les problèmes cardiaques mais également musculaires et ostéoarticulaires.Enfin, en cette période de pandémie, une attention particulière sera portée aux personnes ayant présenté une infection Covid19 symptomatique. Elles doivent reprendre une activité sportive en bénéficiant d’une évaluation médicale au préalable. Dans tous les cas, un arrêt de 7 jours est recommandé après la fin des symptômes avec une reprise progressive sans intensité/compétition avant le 15e jour. Cela restera vrai maintenant probablement pour l’ensemble des syndromes grippaux ou épisode de fièvre.

Mauraine est docteur en psychologie cognitive et psychologie du sport. Son travail porte sur l’étude des facteurs psychologiques et cognitifs prédisant l’occurrence des blessures chez les coureurs.