Le syndrome de loge du coureur à pied, sous-estimé ?
Les douleurs des mollets, ça vous parle ? Le plus souvent, il s’agit d’une lésion musculaire. Parfois, le problème est différent : le syndrome de loge. Il est évoqué devant des douleurs souvent bilatérales au niveau du mollet ou de la face antéro-externe de la jambe. Elle surviennent de façon quasi exclusive lors de la course à pied [1] et oblige l’arrêt de l’activité. « Docteur, c’est quoi ça encore ? »
Qu’est-ce que le syndrome de loge chronique ?
Définition et physiopathologie [2]
Le syndrome des loges est une augmentation pathologique de la pression dans une ou plusieurs loges musculaires. Les loges musculaires peuvent êtres assimilées à des “boîtes” contenant les muscles, les vaisseaux sanguins, et nerfs au niveau des bras et des jambes. Chaque loge est entourée par du tissu épais appelé aponévrose. Cette aponévrose est inextensible, ainsi lorsqu’il y a un gonflement dans une loge, cela entraîne une pression contre les structures contenues à l’intérieur.
Prenons l’image de la boîte, lorsque celle-ci est trop remplie, il s’exerce une force sur les parois de celle-ci. N’étant pas extensible, le contenu de la boite va alors être « écrasé ».
À terme, le sang circule moins bien. Ce phénomène perturbe donc la fonction et la viabilité des muscles et des nerfs [2].
Le syndrome de loge concerne dans la majorité des cas la loge antéro-externe de la jambe chez le coureur [4].
Les mécanismes de survenue [5]
En AIGU : Après un traumatisme ou un choc. Ce n’est pas le mode de survenu que nous décrirons dans la suite de l’article car ce n’est pas celui qui concerne le coureur à pied.
EN CHRONIQUE : Après la pose d’un bandage, d’un plâtre ou dans les sports d’endurance (comme la course à pied) en raison des microtraumatismes répétés ou des vibrations induites. C’est cette situation qui nous intéresse chez le runner.
Terrain prédisposant le syndrome de loge [6]
Le syndrome de loge frappe le jeune sportif entre 20 et 30 ans et jamais l’enfant. La prédominance masculine est nette.
La course à pied est en 1ère ligne (demi-fond, fond, cross, marathon), mais aussi le ski de fond et le culturisme (hypertrophie musculaire).
Les signes retrouvés en cas de syndrome de loge chronique
Les symptômes décrits par les coureurs [1]
Le coureur décrit des douleurs à type de crampes ou de sensation de muscles très « tendus ».
Cette symptomatologie apparaît pour un même coureur de façon très régulière, toujours après le même temps de course, l’obligeant à s’arrêter. Le fait d’avoir une douleur dans un sport spécifique (souvent la course à pied) et pas de douleurs dans un autre sport est très évocateur. Classiquement, c’est le triathlète qui souffrira en courant mais pas en vélo ni en natation.
La douleur musculaire sera globale sans le point douloureux précis que l’on va retrouver dans une lésion musculaire.
Les douleurs diminuent un peu à l’arrêt de l’activité mais elles peuvent persister quelques heures ou quelques jours.
L’examen clinique du médecin du sport [1, 4]
La loge musculaire est sensible à la pression manuelle.
La mobilisation de la jambe par le médecin réveille la douleur. A noter que si l’examen est réalisé en dehors de tout effort, il ne révèle pas de douleurs. Une douleur à la palpation – contraction – étirement en dehors de l’effort fait plutôt évoquer une tendinopathie ou une lésion musculaire.
Parfois le médecin peut retrouver des hernies musculaires (petite portion de muscle qui fait irruption sous la forme d’une petite « boule »).
Les examens complémentaires à réaliser pour confirmer le diagnostic de syndrome de loge [4]
Les radiographies, la scintigraphie osseuse, les échographies en mode doppler artériel et veineux, ainsi que l’électromyogramme sont normaux.
En fait, le seul examen complémentaire capable de confirmer le diagnostic consiste à mesurer les pressions dans la loge suspecte. La réalisation en est assez simple, le seul désagrément pour le coureur examiné consistera en une piqûre intramusculaire de la loge antéro-externe (« Aïe »). Les résultats obtenus montrent au repos une pression normale ou légèrement augmentée. Après l’effort, cette pression, nettement supérieure à 50 mmHg, ne revient que lentement à la valeur de repos.
Le traitement [4, 8]
L’évolution de ces syndromes de loges chroniques s’étale sur plusieurs années avec des douleurs de plus en plus précoces lors de l’effort.
Le traitement médical
Le traitement doit être tout d’abord être médical. Les anti-inflammatoires et la cryothérapie post-exercices, jambes en déclive, ont un effet antalgique momentané.
Ce traitement doit s’accompagner d’une modification de l’entraînement en durée et en intensité. Néanmoins, force est de constater que chez un athlète de haut niveau qui se refuse de diminuer sa quantité d’entraînement, le traitement médical ne suffit pas et la chirurgie peut se discuter.
Par ailleurs, un traitement par injection de toxine botulique est retrouvé dans certaines études scientifiques [9]. La toxine botulique serait une alternative médicale moins invasive que la chirurgie qui reste le traitement de référence. Son utilisation ne fait pas encore l’objet d’une pratique courante.
Le traitement chirurgical
La décision est difficile car ce traitement n’est pas nécessaire d’un point de vue médical. On propose une intervention chirurgicale pour continuer à pratiquer un sport. Cette démarche nécessite donc une longue discussion avec le coureur. Il faudra bien lui expliquer que cette opération, outre toutes les complications potentielles liées à un geste chirurgical, entraînera une cicatrice assez importante. Le sportif devra choisir le plus souvent entre un geste chirurgical ou l’arrêt ou la réduction de son sport.
Cette chirurgie permet dans la plupart des cas de reprendre le même sport au même niveau. Elle consiste en une aponévrotomie. On ouvre l’aponévrose pour « libérer » le muscle.
Conclusion – Le syndrome des loges touche principalement une population active de sport d’endurance avec en numéro un la course à pied. C’est une des rares pathologies chroniques de médecine du sport où le traitement chirurgical fait référence. La décision de la chirurgie est difficile et doit faire l’objet d’une longue réflexion.
Bibliographie
[1] Coudreuse, J. M. (2014). Syndrome de loge : le point du vue du médecin du sport. Journal Des Maladies Vasculaires, 39(2), 110. doi:10.1016/j.jmv.2013.12.141
[2] https://www.lamedecinedusport.com/dossiers/physiopathologie/
[3] https://www.kinesport.info/Diagnostic-et-gestion-du-syndrome-des-loges-a-l-effort_a4450.html
Hartman, J., & Simpson, S. (2018). Current Diagnosis and Management of Chronic Exertional Compartment Syndrome. Current Physical Medicine and Rehabilitation Reports, 1-6.
[4] Chanussot J-C, Danowski R-G. Traumatologie du sport. Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine): Elsevier Masson; 2012.
[5] https://www.irbms.com/le-syndrome-de-loges-et-football/
[6] Letenneur, J., & Pietu, G. (2005). Syndromes des loges. EMC – Rhumatologie-Orthopédie, 2(5), 518–535. doi:10.1016/j.emcrho.2005.05.001
[7] http://un-medecin-vous-informe.blogspot.com/2013/04/ischemie-chronique-deffort-des-muscles.html
[8] https://www.lamedecinedusport.com/dossiers/traitement/
[9] Isner-Horobeti ME, Dufour SP, Blaes C, Lecocq J. Intramuscular pressure before and after botulinum toxin in chronic exertional compartment syndrome of the leg: a preliminary study. Am J Sports Med 2013 ; 41 : 2558-66
Un article rédigé par :
Pauline Six – Médecin du sport

Pauline est Médecin du sport. Elle est spécialisée dans la rééducation des athlètes (du diagnostic initial à la réathlétisation).