Lésion du mollet chez le runner le douloureux tennis leg

Lésion du mollet chez le runner : le douloureux tennis leg

Les lésions musculaires du mollet ne sont pas rares chez le coureur [1]. De la simple contracture à la rupture, il existe un large panel de pathologies possibles. A chacune son traitement. Il est important de bien prendre en charge une lésion à la phase initiale lorsqu’elle n’est pas encore grave. Voici quelques pistes pour les éviter et les soigner.

Anatomie du mollet

Le mollet est formé d’un groupe musculaire appelé « triceps sural ». Comme son nom l’indique (« tri »), ce groupe est constitué de 3 muscles : le soléaire en profondeur, le gastrocnémien (ou jumeau) médial et le gastrocnémien (ou jumeau) latéral en superficie.

Les gasctrocnémiens forment le relief du mollet qu’on peut facilement palper.

Il existe un 4ème muscle, décrit parfois de manière accessoire, le plantaire grêle. Ce petit muscle peut être à l’origine de vos ennuis.

Le triceps sural a pour principal rôle l’extension de la cheville. Les gastrocnémiens ont également un rôle de flexion du genou par leur insertion à la partie basse du fémur.

Le gastrocnémien médial est le 4ème muscle le plus atteint par la déchirure après le quadriceps, les ischio-jambiers et les adducteurs. A eux quatre, ils représentent 90% des accidents musculaires.

Les lésions du mollet chez le runner

Physiopathologie du tennis leg

En cas de sollicitation intense, on peut observer au niveau de ce groupe musculaire une désinsertion musculo-aponévrotique. Mais de quoi s’agit-il ?

Pour être assez simple, les muscles du mollet sont entourés d’une enveloppe musculaire (aponévrose). Normalement, cette enveloppe est collée au muscle, il n’y a pas d’espace entre le muscle et son enveloppe. En situation pathologique, il peut se produire un décollement de l’enveloppe musculaire. L’espace entre le muscle va alors être comblé par du sang. Cette présence de sang va venir comprimer le muscle et déclencher les douleurs. Plus la quantité de sang est importante, plus la compression et la douleur seront importantes.

Ce décollement se fait majoritairement entre le gastrocnémien médial et le soléaire.

Sur l’image de gauche le soléaire est coloré en gris foncé et les gastrocnémiens en gris clair. Sur l’image de droite, on voit entre le soléaire et les gastrocnémiens une zone colorée en noir. Il s’agit d’une poche de sang qui s’est formée par désinsertion de l’enveloppe musculaire entre le soléaire et le gastrocnémien médial.

Les différents types de lésions musculaires

Un précédent article que vous pourrez retrouver facilement a traité le sujet des lésions musculaires.

On rappelle ici la classification histologique des lésions musculaires de Durey et Rodineau [4].

STADE 0 : Atteinte réversible de la fibre musculaire sans atteinte du tissu de soutien – récupération totale en quelques heures

STADE 1 : Atteinte irréversible de quelques fibres musculaires aboutissant à leur nécrose sans atteinte du tissu conjonctif de soutien – récupération totale en quelques jours

STADE 2 : Atteinte irréversible d’un nombre réduit de fibres musculaires et atteinte minime du tissu conjonctif de soutien – récupération qui peut être obtenue en une dizaine de jours

STADE 3 : Atteinte irréversible de nombreuses fibres musculaires, atteinte marquée du tissu conjonctif de soutien et formation d’un hématome intramusculaire localisé – récupération en 4 à 12 semaines

STADE 4 : Rupture ou désinsertion musculaire complète –  récupération longue mais variable selon le muscle touché 

La désinsertion musculo-aponévrotique correspond au stade 3 de cette classification.

Causes des lésions du mollet chez le coureur

Comment se produit la désinsertion musculaire ?

La lésion résulte d’un mécanisme d’étirement brusque du mollet, mais pas toujours, avec asynchronisme articulaire (association de flexion dorsale de cheville avec extension de genou et contraction du triceps sural).

Elle survient chez le sportif soit à froid sur un muscle non échauffé, ou à chaud sur un muscle fatigué et même parfois dans la vie de tous les jours.

Pourquoi parle-t-on de tennis leg [6] ?

On parle parfois de tennis leg (traduit par : jambe du joueur de tennis) car cette lésion est l’apanage du tennisman d’une quarantaine d’années et plus. A partir de cet âge-là, des facteurs de risque (condition physique, poids, cholestérol, prise de médicaments comme certains antibiotiques, etc.) peuvent conduire à une faiblesse musculaire.

Cette lésion est plus fréquente chez les hommes.

Facteurs favorisants des lésions musculaires [7]

–  Morphotype bréviligne hypermusclé

– Tendon d’Achille court

– Pied creux varus valgus

– Non respect des règles hygiéno-diététiques

– Mauvaise planification d’entraînement

– Chaussures non adaptées au sport et aux pieds

– Sol dur ou élastique

Les symtômes 

Le ressenti du coureur

La douleur est brutale, intense, voire syncopale (peut déclencher un malaise), se situe au milieu du mollet, sur la face interne, et peut également s’étendre vers le tendon d’Achille et faire craindre à une rupture de celui-ci [5].

Immédiatement, peut apparaître un très gros hématome, avec un mollet énorme. On peut aussi sentir une dureté immédiate à la palpation. 

L’examen clinique

À l’examen, l’appui est très douloureux, voire impossible du côté blessé et le coureur se déplace précautionneusement sur la pointe du pied, genou fléchi en évitant le demi-pas postérieur. Le sujet évite de mettre le pied trop en arrière car cette position vient mettre en tension le mollet et déclencher les douleurs. Ce schéma de marche entraîne une boiterie.

Le mollet apparaît tendu, gonflé. Un « bleu » peut survenir dans les jours suivants le traumatisme.

L’élévation sur la pointe du pied, genou tendu, en appui sur un pied est impossible.

La palpation prudente du mollet retrouve une douleur exquise en regard du tiers supéro-interne de la face postérieure.

La mise en tension (étirement) du triceps sural est douloureuse.

Les examens complémentaires

L’échographie : elle permet facilement de mettre en évidence la poche de sang siégeant entre le gastrocnémien médial et le soléaire. La poche de sang n’est pas toujours visualisée si l’examen est fait trop tôt. Il est conseillé de réaliser l’examen 10-15 jours après la blessure.

L’imagerie peut également être renouvelée à distance pour vérifier la disparition de la poche de sang. Mais en aucun cas, cet examen est indiqué pour valider la reprise sportive.

L’IRM peut parfois être utile quand le diagnostic n’est pas établi après l’examen clinique et l’échographie.

Prise en charge de la lésion musculaire du mollet [8]

Grands axes thérapeutiques

Le traitement est celui de tout accident musculaire (plus de détails sur notre article sur les lésions musculaires). 

Le traitement dépend de l’importance du stade lésionnel.

Il est médical dans une majorité des cas et ne se différencie pas de celui d’un accident musculaire classique. Il peut parfois être chirurgical en fonction de l’importance de l’hématome (poche de sang). En effet si l’hématome est trop important il peut comprimer de manière excessive le mollet. Dans ce cas une ponction (prélèvement de sang à l’aiguille sous échographie) est indiquée.

Par un traitement chirurgical est indiqué mais nous ne le détaillerons pas car cela est rarement nécessaire.

Traitement médical [8]

Glaçage – Repos – Elévation – Compression (GREC) sont la base du traitement pour soulager vos douleurs.

Ne pas masser le muscle lésé, y compris avec un gel anti-inflammatoire, mais le protéger pour atténuer les impacts qu’il pourrait avoir avec d’autres objets.

Les antalgiques simples peuvent soulager les douleurs: paracétamol (1 gramme 3 à 4 fois par jour). Il faut éviter les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (aspirine, ibuprofène etc) qui, en tant qu’anti-coagulants, augmentent l’œdème par épanchement sanguin.

Une fois la phase douloureuse passée, un protocole de kinésithérapie est indiqué. Les différents objectifs sont : étirements du triceps, massages transverses profonds, travail actif de renforcement du triceps en concentrique, puis en excentrique.

La reprise du sport et en particulier de la course à pied va dépendre de l’importance de l’hématome. Elle va de 3 à 4 semaines jusqu’à plusieurs mois si l’hématome persiste [9]. La reprise du sport est autorisée quand l’examen du médecin ne révèle plus aucune douleur. Dans tous les cas, cette reprise de la course à pied sera progressive. En cas de présence d’une hématome à l’échographie, il faut compter minimum 3 semaines d’arrêt. Ensuite, la prise en charge sera guidée par l’importance de l’hématome.

Durant cette période d’arrêt, le coureur pourra pratiquer des sports qui mobilisent uniquement les membres supérieurs ou le tronc comme la musculation des membres supérieurs, la natation avec un pull-boy entre le jambes, etc.

Prévenir le tennis leg [10]

 – S’échauffer progressivement les muscles avant un effort pendant au moins vingt minutes.

– Terminer toute activité sportive par un étirement.

– Doser ses efforts en les augmentant graduellement, sans surestimer ses capacités.

– Reconnaître ses signes de fatigue et être à l’écoute de son corps.

– Adapter sa pratique sportive à son âge et ses capacités physiques, ne pas s’entraîner au-delà de ses capacités et se méfier des reprises sportives trop brutales.

– Prévoir une récupération suffisante et éviter le surentraînement.

– Modifier les habitudes alimentaires et corriger les erreurs (aliments trop acides, ou restrictions alimentaires excessives…).

– Boire beaucoup avant, pendant et après l’effort et avant d’avoir soif des boissons alcalines et riches en magnésium (plus d’infos sur https://drsport.fr/sportifs-optimisez-hydratation/).

– Se méfier des activités physiques sous climat chaud ou froid.

– Avoir une bonne hygiène de vie, des soins dentaires réguliers et un sommeil suffisant.

Le tennis leg, classiquement décrit chez le tennisman, est également rencontré chez le coureur. Le traitement de cette lésion dépend du stade de gravité lésionnel. Une fois encore après obtention de la guérison, il faut d’emblée penser à la prévention pour éviter une récidive.

Bibliographie

[1] Taunton JE, Ryan MB, Clement DB, et al. A retrospective case-control analysis of 2002 running injuries. Br J Sports Med 2002;2:95–101.  

[2] image : https://www.lephoceen.fr/infos-om/autour-de-l-om/des-precisions-sur-la-blessure-de-rolando-163408

[3] https://www.podologues-cabinet-ordener.fr/le-tennis-leg—–qu-est-ce-que-c-est-et-pourquoi-aller-voir-mon-podologue-_ad44.html

[4] https://www.elsevier.com/fr-fr/connect/medecine/pathologies-musculaires-du-sportif

[5] Chanussot J-C, Danowski R-G. Traumatologie du sport. Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine): Elsevier Masson; 2012.

[6] https://www.irbms.com/blessures-tennis-leg-claquage-mollet/

[7] https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/22583/1/L%C3%A9sions%20musculaires%20particuli%C3%A8res%20-%20Crielaard%2004-2010.pdf

[8] Fields, K. B., & Rigby, M. D. (2016). Muscular Calf Injuries in Runners. Current Sports Medicine Reports, 15(5), 320–324. doi:10.1249/jsr.0000000000000292

[9] http://un-medecin-vous-informe.blogspot.com/2014/02/desinsertion-musculo-aponevrotique-du.html

[10] https://app.drsport.fr/definition-traitement/37414/dechirure-musculaire-du-jumeau-interne-gastrocnemien-chef-medial-ou-tennis-leg

Un article rédigé par :
Pauline Six – Médecin du sport

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