Tendinopathie et douleur au tendon d’Achille : comment se soigner ?
La tendinopathie d’Achille est une blessure bien connue des coureurs. Le problème peut être unilatéral ou parfois bilatéral. Le stade ultime de complication est la rupture du tendon. Alors avant d’en arriver là, prenez le temps de soigner votre tendon.
Epidémiologie de la tendinopathie d’Achille
La tendinopathie d’Achille est classée 7ème blessure du coureur derrière le syndrome fémoro-patellaire, le syndrome de l’essuie-glace, l’aponévrosite plantaire, les lésions méniscales, la tendinopathie rotulienne et la périostite [1]. Son incidence est de 2,35 pour 1000 dans la population des 21-60 ans et sa prévalence de 7 à 9 % chez les coureurs de haut niveau pratiquant les moyennes et longues distances [2].
Rappel sur l’anatomie du tendon d’achille
Le tendon d’Achille est une formation fibreuse qui relie le triceps sural (groupe musculaire du mollet composé de 3 muscles : le gastrocnémien (ou jumeau) médial, le gastrocnémien (ou jumeau) latéral, le soléaire) à l’os qui forme le relief du talon (le calcanéum). La tendinopathie d’Achille peut donc aussi être nommée tendinopathie calcanéenne du fait de son insertion sur le calcanéum.
L’élasticité est la qualité première de ce tendon, or, celle-ci diminue avec l’âge. Nous gagnons en force ce que nous perdons en élasticité tout au long de notre vie. Ce qui explique l’enraidissement avec l’âge et la nécessité de la pratique régulière d’étirements. Toutefois, cette propriété essentielle du tendon diminue plus vite que l’élasticité musculaire. Il se produit donc un conflit tendon-muscle puisque l’ensemble n’a plus la même élasticité [4]. Ceci explique la grande fragilité du tendon liée à notre vieillissement. En gagnant de l’âge, le tendon perd de sa souplesse et de sa résistance à l’effort, il peut donc s’enflammer et provoquer une tendinopathie ou se rompre brutalement.
Selon la localisation de la tendinopathie, la prise en charge médicale peut être différente. Les médecins du sport ont pour habitude de différencier les tendinopathies qui surviennent « en plein corps du tendon » (tendinopathie corporéale), de celles qui surviennent juste à l’insertion du tendon sur l’os (tendinopathie d’insertion).
Les principales causes des tendinopathies d’achille [4]
Causes modifiables
– Liées au sport
- Répétition du même geste sportif.
- Technique de course inadaptée.
- Modification des habitudes d’entraînement.
- Changement de terrain d’entraînement.
- Course systématique sur sol dur.
- Mauvaises chaussures.
- Pas de pratique d’étirements sportifs.
- Surentraînement.
– Non liées au sport
- Troubles de la statique plantaire : pieds creux ou pieds plats.
- Inégalité de longueur d’un membre inférieur
- Mauvaise alimentation.
- Mauvais soins dentaires.
- Hydratation insuffisante.
- Trouble métabolique (problème de thyroïde, problème de cortisol, goutte, etc)
- Prise de médicaments (chez le sportif en général et donc chez le coureur, il faut se méfier de la prise d’un traitement antibiotique par quinolones pour soigner une infection urinaire par exemple. La lésion peut survenir plusieurs mois après la prise du médicament. Chez l’adolescent, on sera vigilant à la prise de certains médicaments contre l’acné)
- Rhumatismes inflammatoires
- Surpoids
Causes non modifiables
- Causes génétiques : maladies du collagène
- Avancée en âge
Les symptômes
La douleur postérieure est le maître symptôme. Selon la localisation de la tendinopathie, le coureur peut décrire :
– une douleur se situant entre 2 à 7 cm de l’insertion du tendon sur l’os du talon => tendinopathie corporéale calcanéum
– une zone douloureuse située à moins de 2 cm de l’insertion => tendinopathie d’insertion
Le retentissement fonctionnel de cette douleur est évalué par un score fonctionnel (le par le score de Blazina) qui se décline en 4 stades en fonction du moment de la douleur [2] :
– stade 1 : après le sport et disparaissant au repos ;
– stade 2 : pendant le sport, disparaissant à l’arrêt puis réapparaissent à la fatigue
– stade 3A : permanente, limitant la pratique sportive
– stade 3B : permanente, dans la vie quotidienne
– stade 4 : rupture sur tendinopathie.
Diagnostic et examen clinique
Les signes cliniques évocateurs se recherchent dans trois positions : debout, sur le dos et sur le ventre.
En position debout :
– à l’inspection, présence d’une tuméfaction (« gonflement ») du tendon
– douleur lors de la contraction du triceps, associée ou non à une limitation, voire une impossibilité à réaliser différentes épreuves de difficulté croissante : montée sur la pointe des deux pieds puis d’un seul pied, marche sur les pointes, sautillement sur les deux pieds puis un seul pied
– douleur à l’étirement du tendon lors de la mise en position accroupie sans décoller les talons du sol
En position allongée sur le dos, genou tendu, on cherchera à mettre en évidence une douleur ou une limitation de la flexion dorsale (quand on ramène les orteils vers le haut) comparée au côté controlatéral.
En position allongée sur le ventre, on cherchera à mettre en évidence une zone douloureuse exquise au niveau de l’insertion basse du tendon.
Le médecin s’intéressera également à l’analyse de la force de votre pied sur son podoscope. En effet des malformations de la statique du pied comme des pieds plats ou creux peuvent favoriser cette blessure.
Lors de l’examen, le médecin doit également éliminer les signes de rupture du tendon d’Achille [5] qui est le stade terminal de l’évolution de la tendinopathie.
– Le signe de Brunet : en position allongée sur le ventre avec les pieds qui dépassent du bord de la table d’examen. Le pied du côté de la rupture « tombe ». En effet le triceps sural (muscle du mollet) ne retient plus le pied, ce qui explique sa chute
– Le signe de Thompson : toujours en position allongée sur le ventre avec les pieds qui dépassent du bord de la table d’examen. L’examinateur presse le mollet. Si ce mouvement n’entraîne pas de flexion plantaire (mouvement « pointe de pied »), le tendon est rompu. Si on schématise, le tendon d’Achille joue le rôle de la « ficelle » qui permet de faire bouger le « rideau ». Si la ficelle est cassée, le rideau ne peut pas bouger.
L’examen clinique se termine par l’étude des chaussures, en s’attachant surtout aux points suivants : zones d’usure, importance et hauteur du contrefort postérieur, hauteur du talon et qualités d’amortissement de la semelle.
Les examens paracliniques
Radiographies de cheville de face et de pied de face et de profil : on y recherche des anomalies de la forme de l’os du tendon qui pourraient venir irriter le tendon. On peut également rechercher des calcifications qui témoignent d’évolution chronique de la tendinopathie.
Échographie : on recherche des anomalies de la structure du tendon : augmentation de diamètre, perte de l’alignement des fibres de collagène.
Le traitement [2]
Le traitement comporte un certain nombre de mesures générales et locales, communes à toutes les tendinopathies, visant à mettre le tendon au repos et à supprimer les facteurs responsables de l’affection.
Le traitement symptomatique visant à diminuer la douleur (phénomènes algiques)
– repos sportif relatif (on peut poursuivre la pratique d’autres sports ne sollicitant pas le tendon d’Achille, c’est peut-être l’occasion de tester autre chose)
– antalgiques simples de type paracétamol (anti-inflammatoires fortement déconseillés)
– cryothérapie : pour être efficace, le glace doit refroidir le tendon et donc être appliquée au moins dix minutes matin et soir (Attention, le froid peut brûler la peau : ne pas mettre la glace directement sur la peau).
– électrothérapie (électrodes)
– massages transverses profonds
– éventuellement une petite talonnette pour soulager la tension
– mésothérapie (La mésothérapie est une technique médicale inventée en France au début des années 1950 par le médecin généraliste Michel Pistor. Elle consiste à injecter sous le derme (la couche la plus interne de la peau), de faibles doses de médicaments. Le principe est d’utiliser de plus petites quantités de médicaments en ciblant directement la zone à traiter ou le plus proche possible. Les preuves scientifiques de cette technique sont encore faibles mais cette technique peut parfois être d’une grande aide pour le coureur)
– La correction de problèmes orthopédiques (semelles)
Il faut également corriger les problèmes de mauvaise adaptation de l’entraînement, de mauvaise hydratation ou alimentation.
Le renforcement musculaire excentrique
Le renforcement excentrique est un type de renforcement pendant lequel le muscle est en position allongée, avec ses 2 extrémités qui sont éloignées. C’est le contraire du renforcement concentrique où les 2 extrémités du muscle se rapprochent.
Quand on se met sur la pointe des pieds les muscles du mollet se contractent en concentrique. Les extrémités du muscle se rapprochent. Lorsqu’on se met sur une marche et que le talon tombe dans le vide, les muscles du mollet se contractent en excentrique (voir image). Les extrémités du muscle s’éloignent. On utilise cet exercice pour traiter la tendinopathie d’Achille.
Contraction concentrique (à gauche) et contraction excentrique (à droite) – exemple pour le tendon d’Achille [7].
On peut réaliser ce renforcement excentrique en rajoutant progressivement des charges sur les épaules. On peut suivre le programme proposé par Stanish et son équipe [5].
SEMAINE | JOURS | TRAVAIL | NIVEAU D’ACTIVITÉ SPORTIVE |
---|---|---|---|
1 | 1 à 3 3 à 5 6 à 7 | Descente lente, en appui bipodal Vitesse modérée, en appui bipodal Vitesse rapide, en appui bipodal | Aucune |
2 | 1 à 3 3 à 5 6 à 7 | Lent, augmentation charge côté lésé Modéré, augmentation charge côté lésé Rapide, augmentation charge côté lésé | Aucune |
3 | 1 à 3 3 à 5 6 à 7 | Lent, en appui unipodal sur côté lésé Modéré, en appui unipodal sur côté lésé Rapide, avec la même charge | Activité sportive possible mais limitée, douleur durant la descente rapide |
4 | 1 à 3 3 à 5 6 à 7 | Lent, avec charge (10 % du corps) Modéré avec la même charge Rapide, avec la même charge | Douleur pendant les activités soutenues |
5 | 1 à 3 3 à 5 6 à 7 | Lent, charge supplémentaire de 2,5 à 5 kg Modéré, charge supplémentaire de 2,5 à 5 kg Rapide, charge supplémentaire de 2,5 à 5 kg | Douleur uniquement pendant l’activité |
6 | Lent, charge supplémentaire de 2,5 à 5 kg Modéré, charge supplémentaire de 2,5 à 5 kg Rapide, charge supplémentaire de 2,5 à 5 kg | Douleur rare |
Les ondes de choc
On peut également réaliser des ondes de choc (voir article spécifique : « Soigner sa tendinopathie grâce aux ondes de choc »).
Le protocole standard comprend une à deux séances par semaine pendant 3 à 6 semaines (6 séances maximum). Durant le traitement, la poursuite d’une activité physique est préconisée, tout en respectant la règle de « non-douleur » afin de guider la cicatrisation vers la fonction que l’on souhaite récupérer.
Les infiltrations de corticoïdes
Dans certains cas, en cas d’échec des traitements standards, le sportif peut être amené à recevoir des infiltrations de corticoïdes.
Il existe une bourse pré-calcanéenne (entre l’os du talon et le tendon) qui aurait un rôle protecteur sur le tendon. Elle absorberait les contraintes, limitant ainsi les lésions tendineuses. Lorsque les sollicitations locales deviennent trop importantes, et ce d’autant plus qu’il existe une malformation de l’os du talon (maladie de Haglund), il apparaît une inflammation de cette bourse responsable d’une douleur très invalidante. L’infiltration de la bourse avec des corticoïdes permettrait alors de soulager le patient rapidement.
L’infiltration peut également être réalisée en péri-tendineux dans le cadre des tendinopathies calcanéennes chroniques après échec des traitements non invasifs. L’infiltration sous contrôle radiologique ou échographique permet d’avoir un geste plus précis.
Cependant, il faut rester vigilant avec les infiltrations de corticoïdes. En effet, celles-ci peuvent dans de rares cas conduire à la rupture tendineuse. De plus, l’intérêt des infiltrations de corticoïdes dans les tendinopathies calcanéennes reste donc à démontrer puisque les résultats des études scientifiques ne sont pas très robustes [2].
Le needling du tendon
Certaines études pratiquent cette technique mais encore une fois les résultats dans la littérature ne sont pas très robustes. On parle de « needling » car needle signifie aiguille en anglais. Le principe est de réaliser sous contrôle échographie des lésions tendineuses avec une aiguille. On peut également venir casser des petites calcifications. Cela entraine une stimulation de la cicatrisation tendineuse. On peut injecter pendant le même temps une injection d’acide hyaluronique pour favoriser la cicatrisation.
Les infiltrations de PRP (plasma riche en plaquettes)
Les infiltrations de PRP sont récentes en médecine du sport (voir article dédié). Le principe consiste à réinjecter au patient ses propres plaquettes. En effet l’injection de plaquettes accompagnées de leurs facteurs de croissance de croissance au niveau de la lésion tendineuse permet de favoriser la cicatrisation. La procédure se déroule de la manière suivante. On réalise un prélèvement sanguin (prise de sang). Celui-ci sera ensuite centrifugé (à l’aide d‘une centrifugeuse – appareil spécialisé) pour séparer : le plasma riche en plaquettes et les autres éléments sanguins. On réinjecte ensuite uniquement la partie contenant le plasma riche en plaquettes au niveau du tendon. Une chose très importante pour le sportif : le geste ne peut pas se faire sous anesthésie car les anesthésiants viennent gêner l’action des plaquettes. Ce geste est donc douloureux. Une autre chose importante est le non-remboursement de ce geste. De plus, l’infiltration de PRP au tendon calcanéen n’a pas encore assez de recul pour apporter des preuves suffisantes de son efficacité [4].
La chirurgie
Après échec du traitement conservateur, la question d’une éventuelle indication chirurgicale se pose. Nous ne détaillerons pas les différentes techniques chirurgicales car elles sont très spécifiques et il est rare que le coureur arrive à ce stade thérapeutique.
La tendinopathie d’Achille est donc chez le coureur dans la majorité des cas une pathologie de surmenage du tendon. Le premier traitement est l’adaptation de l’entraînement et du matériel. Echauffement, bonne alimentation et hydratation sont la base pour un entraînement dans de bonnes conditions. Le traitement initial passe par un arrêt sportif relatif. Le traitement de référence est le travail de renforcement musculaire en excentrique. Il est important de ne pas négliger une tendinopathie, pour prévenir la survenue des gros ennuis : la rupture qui signera l’adieu à vos chaussures.
Bibliographie
[1] Taunton, J. E. (2002). A retrospective case-control analysis of 2002 running injuries. British Journal of Sports Medicine, 36(2), 95–101. doi:10.1136/bjsm.36.2.95
[2] Jouffriault J. Mise au point sur la tendinopathie calcanéenne d’insertion. J Traumatol Sport (2017)
[3] https://lafabriqueverticale.com/fr/les-pieds-du-grimpeur-chaussons/
[4] https://www.irbms.com/tendinite-achille/
[5] Chanussot J-C, Danowski R-G. Traumatologie du sport. Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine): Elsevier Masson; 2012.
[6] https://www.lamedecinedusport.com/traumatologie/tendinopathie-rupture-du-tendon-dachille/
[7] image : https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/215137/1/Symposium%20AXXON%2014-10-2017%20Delvaux%20tendinopathies.pdf
[8] Alfredson, H. (2011). Ultrasound and Doppler-guided mini-surgery to treat midportion Achilles tendinosis: results of a large material and a randomised study comparing two scraping techniques. British Journal of Sports Medicine, 45(5), 407–410. doi:10.1136/bjsm.2010.081216
Un article rédigé par :
Pauline Six – Médecin du sport

Pauline est Médecin du sport. Elle est spécialisée dans la rééducation des athlètes (du diagnostic initial à la réathlétisation).