Aponévrosite plantaire, le calvaire du runner

Aponévrosite plantaire, le calvaire du runner !

Nombreux sont ceux qui après avoir avalé bon nombre de kilomètres commencent à avoir le « feu » aux pieds. Tout se passait si bien jusqu’à ce que chaque propulsion du pied devienne un cauchemar. « Docteur, expliquez-moi ce qui m’arrive ! »

Définition : l’aponévrosite plantaire

L’aponévrosite plantaire est une inflammation de la membrane située sous la plante du pied. C’est la 3e pathologie du coureur après le syndrome rotulien (1ère) et le syndrome de l’essuie-glace (2ème) [1]. Elle est responsable jusqu’à 8 % de toutes les blessures liées à la course [1].

Quelques notions d’anatomie

L’aponévrose plantaire est une membrane fibreuse très épaisse localisée à la partie plantaire du pied. Elle est de forme triangulaire, s’insérant à la partie postérieure du pied sur le calcanéum (gros os qui forme le talon), s’élargissant vers l’avant du pied pour se terminer sur les têtes métatarsiennes (les orteils).

Elle a pour rôle de soutenir l’arche interne du pied (pour éviter que le pied ne s’effondre pas et devienne « plat ») et de protéger les tendons sus-jacents. 

Un peu de biomécanique

L’aponévrose plantaire fait partie intégrante du complexe suro-achilléo-calcanéo-plantaire. Ce complexe est formé de l’aponévrose plantaire, des muscles de la voûte plantaire, du calcanéus (gros os du talon), du tendon calcanéen, et du muscle triceps sural (muscle du mollet)). 

C’est une véritable chaîne fonctionnelle de la propulsion. L’aponévrose a un rôle essentiel de transmission des forces du triceps sural vers les orteils (voir schéma) et sa viscoélasticité permet de restituer une grande quantité d’énergie à chaque foulée ou chaque saut. Un problème au niveau de l’aponévrose plantaire aura donc des répercussions sur les autres éléments de ce complexe !

Lors de la course ou du saut, le pied subit au sol une phase d’amortissement exercée principalement sur le talon, et une phase d’impulsion concentrée sur le bord externe, puis au niveau de l’articulation métatarso-phalangienne du gros orteil. Dans cet enchaînement, le gros orteil est toujours dans une position de dorsiflexion (flexion de l’orteil vers le haut quand le pied est posé à plat) qui entraîne une traction constante de l’aponévrose plantaire.

Les symptômes et l’examen clinique

Les coureurs décrivent des douleurs d’apparition progressive sous le talon. Les symptômes apparaissent d’abord uniquement à l’effort puis deviennent présents dans la vie quotidienne (marche, stations debout prolongées).

L’examen clinique met en évidence des douleurs en pressant la région d’insertion de l’aponévrose plantaire sur le bord inféro-médial du calcanéum (voir image). 

La douleur est également reproduite par la mise en tension de l’aponévrose, en flexion dorsale de cheville avec appui sur les têtes métatarsiennes. Cela correspond par exemple à la position du pied au départ de sprint, en montée.

Les causes

Les causes sont encore une fois nombreuses.

Les principales causes anatomo-physiologiques

– Inégalité de longueur de jambe

– Pronation excessive

– Tendon d’Achille court

– Anomalie de morphologie du pied : pied plat ou pied creux

– Désordres au niveau du bassin et de la colonne lombaire 

– Excès de poids/obésité

Les causes liées au sport

– Entraînement erroné, abusif, avec exercices produisant des micro-chocs répétés 

– Mauvaise technique de course, foulées trop allongées 

– Mauvais chaussage

– Augmentation pondérale acquise par la musculation

– Surfaces trop dures, irrégulières

Les causes liées à un mauvais traitement en cours ou passé

– Injections locales de corticoïdes qui prédisposeraient aux ruptures

– Circulaires de strapping de cheville trop serrées au niveau de la voûte plantaire

– Orthèses avec mauvaise répartition des charges

Les examens complémentaires

Un bilan radiographique permet de rechercher des signes de gravité ou des signes de chronicité qui se traduisent par une ossification de l’insertion calcanéenne du tendon, d’où le nom « d’épine calcanéenne » (Cette calcification ne se fait pas en un jour ! Elle est le témoin d’une longue période de “surmenage”)

Attention : l’image « d’épine » est souvent interprétée comme la cause de la douleur. Pourtant, cette « pointe osseuse » n’a rien de douloureux en soit ! Elle n’est que la traduction de la tension mécanique de l’insertion osseuse de cette aponévrose (c’est la signature de l’inflammation de l’aponévrose). Ainsi la retirer n’a aucun intérêt ! 

L’IRM et l’échographie permettent de confirmer le diagnostic en révélant l’inflammation de l’aponévrose et en recherchant des signes de gravité comme des fissurations.

Le traitement

Le repos et la diminution des sollicitations mécaniques durant trois semaines sont recommandés [4].

Il faut corriger les facteurs favorisants, comme la perte de poids si nécessaire. 

L’adaptation du chaussage avec des chaussures plus amortissantes et intégrant un léger talon est un moyen simple de diminuer les douleurs au début de la symptomatologie. En effet, un petit talon permet de soulager la tension dans la chaîne musculaire du mollet.

Les traitements médicamenteux (antalgiques simples de type paracétamol) peuvent être utiles.

La correction de troubles architecturaux du pied par la confection de semelles orthopédiques est un excellent moyen de soulager l’inflammation de l’aponévrose.

La kinésithérapie, par étirement de l’aponévrose plantaire et de l’ensemble du complexe suro-achilléo-plantaire permet de faire diminuer la pression et de réduire l’inflammation. Des massages transverses profonds peuvent aussi être pratiqués. Ces massages peuvent être reproduits à la maison avec une balle de tennis.

Le recours à des ondes de choc est possible [5].

L’infiltration locale de dérivés cortisonés peut parfois être indiquée mais ce geste peut parfois conduire à la rupture de l’aponévrose, méfiance ! [6]

Quand le traitement médical ne suffit pas, le recours à la chirurgie peut être proposé.

L’aponévrosite plantaire est le résultat d’un surmenage par micro-traumatismes répétés. Une phase de repos forcée est indiquée pour diminuer ce qui est inflammé. Adaptation du matériel et de la pratique, la seule solution pour que la course à pied se passe dans de bonnes conditions !

Bibliographie

[1] Taunton JE, Ryan MB, Clement DB, et al. A retrospective case-control analysis of 2002 running injuries. Br J Sports Med 2002;2:95–101.  

[2] Chanussot J-C, Danowski R-G. Traumatologie du sport. Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine): Elsevier Masson; 2012.

[3] image issue de : https://www.pinterest.fr/pin/745768019514641271/

[4] ZYGAS, P. « Les pathologies de l’arrière et de l’avant-pied », Revue médicale de Bruxelle, no 27 (2006), p. 311, [En ligne], www.clubortho.fr/cariboost_files/Pied_20Pathologie_20avant_20arriere_20pied.pdf (consulté le 15 avril 2012).

[5] Tae Gon K., Sea Hyun B., Gye Yeop K.,  Kyung Yoon K.The effects of extracorporeal shock wave therapy on stroke patients with plantar fasciitis. J. Phys. Ther. Sci. 27: 523–526, 2015

[6] Genc, H., Saracoglu, M., Nacir, B., Erdem, H. R., & Kacar, M. (2005). Traitement de l’aponévrosite plantaire par infiltration de corticostéroïdes : suivi à long terme par échographie. Revue Du Rhumatisme, 72(1), 68–73. doi:10.1016/j.rhum.2004.03.015 

Un article rédigé par :
Pauline Six – Médecin du sport

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