Fracture de fatigue, quand l’os dit stop !

Fracture de fatigue, quand l’os dit stop !

Fracture de fatigue ou fracture du stress, conséquence d’un surmenage général où c’est l’os qui trinque ! A force d’être sursollicitée « l’usine à produire de l’os » arrive à bout de souffle et dépose le bilan !

Définition : épidémiologie de la fracture de fatigue

Même si l’on emploie le terme de « fracture », il ne s’agit pas réellement d’une fracture, mais plutôt d’une maladie de l’adaptation de l’os à l’effort. Il s’agit d’une lésion par hyper-sollicitation ou surentraînement. Elle peut toucher tout pratiquant quel que soit son niveau.

Les fractures de fatigue représentent environ 10% des traumatismes sportifs. Elles ont été pour la première fois décrites chez les militaires de l’armée Prusse [1].

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il faut bien faire la différence entre la fracture de fatigue par insuffisance osseuse et la fracture de fatigue du sportif [2].

  • La fracture par insuffisance osseuse survient sur un os « malade » et dans un contexte de maladies générales associées (c’est l’exemple de fracture chez le sujet âgé souffrant d’ostéoporose – maladie des os fragiles).
  • La fracture chez le sportif survient sur un os « normal » soumis à des stress répétés. Cette surcharge va imposer une vitesse de renouvellement osseux trop rapide pour l’os, il va donc se fragiliser et finir par casser.

Les facteurs favorisants

Plusieurs facteurs favorisants ont été mis en avant [2,3].

  1. Le poids du corps – les charges : cet argument est validé pour les fractures de fatigue survenant aux membres inférieurs.
  2. Les tractions musculaires
  3. La fatigue musculaire : en effet, le muscle a un rôle d’absorption des ondes de choc. En cas de fatigue, il ne peut plus assurer sa fonction protectrice.
  4. Les facteurs de risques généraux propres à l’individu : le sexe féminin, les cycles perturbés, l’aménorrhée, la peau blanche (génétique), une densitométrie osseuse basse (témoignant d’un os fragilisé), une faible fixation du calcium
  5. Les facteurs mécaniques : les activités répétitives (le surentraînement !), un changement brutal d’activité entraînant une modification brutale des contraintes osseuse, une modification brutale de l’activité en quantité ou intensité, une mauvaise qualité du matériel.

De part ses impacts au sol répétés, la course à pied est un grand pourvoyeur de fractures de fatigue aux membres inférieurs.

Les sites de fracture

Les localisations principales dans l’ordre décroissant sont [2] : tibia (33 %), os du tarse (os du pied) (20 %), métatarses (os des orteils) (20 %), fémur (11 %), fibula (péroné) (7 %) et bassin (7 %).

Les symptômes

Quelle que soit la localisation, la symptomatologie [4] est représentée par l’apparition d’une douleur progressive survenant environ 15 jours après le début de la modification de la surcharge sportive.

La douleur apparaît au début, uniquement à l’effort et disparaît à son arrêt.

Les douleurs, peu intenses au début, vont progressivement augmenter, rendant totalement impossible la poursuite de toute activité sportive et pouvant devenir gênantes dans les activités quotidiennes. Dans les formes siégeant au membre inférieur, une boiterie apparaît rapidement.

L’examen médical

L’examen clinique, habituellement pauvre au début, retrouve une douleur vive à la palpation avec, secondairement, l’apparition, si l’os est superficiel, d’une discrète tuméfaction faisant corps avec l’os (témoin du début de la consolidation).

Les tests en charge (se mettre sur un pied, sautiller etc) peuvent majorer les douleurs.

Les examens complémentaires

L’examen clinique permet de suspecter une fracture de fatigue, les examens complémentaires permettent de confirmer le diagnostic.

La radiographie standard

C’est l’examen le plus facile à obtenir. Elle est indispensable. Elle peut montrer des signes radiologiques spécifiques mais peut aussi être normale. Les modifications de l’imagerie surviennent avec un temps de retard sur les modifications anatomiques. « Radio normale » ne veut pas toujours dire « absence de fracture ».

La scintigraphie osseuse

L’examen de référence. C’est un examen très sensible (et c’est un très bon radar. Elle voit tout !).

Par contre elle ne fait pas la part des choses entre les différents problèmes (fracture, tumeur, calcification, etc).

Les zones « repérées » par la scintigraphie apparaissent en hyperfixation (en noir sur l’image).

Le scanner

Cet examen est moins sensible que la scintigraphie mais a un intérêt pour examiner les os du tarse (pied) et la fracture du tibia dans le sens de sa longueur.

L’IRM

C’est un examen très sensible qui permet de repérer les signes indirects de fracture de fatigue (par exemple l’œdème autour de la fracture). La fracture de fatigue est parfois vue tardivement.

Le traîtement

Le traitement fait appel à la phase initiale à l’arrêt de l’activité.

On peut proposer une décharge par exemple en cas de fracture de fatigue du tibia qui est la plus fréquente chez le runner (ex : botte de décharge, béquille etc)

A titre d’information, vous trouverez sur le squelette en image ci-dessous [8] les délais moyens de consolidation. Patience ! En moyenne, il faut attendre au minimum 6 semaines. Les délais peuvent parfois être plus longs pour certaines localisations. Ici, l’arrêt sportif est TOTAL. La modification de l’activité (intensité, fréquence, etc) ne suffit pas.

Un nouvel examen paraclinique (radiographie, IRM, TDM) peut de nouveau être réalisé en cours de traitement pour rechercher des signes de consolidation osseuse.

Les antalgiques classiques (paracétamol etc) peuvent être prescrits.

La supplémentation en Vitamine D fait partie du traitement (et aussi de la prévention). On peut la prescrire d’emblée car la carence en Vitamine D est très fréquente surtout dans les régions peu ensoleillées (le métabolisme de la vitamine D nécessite l’action des ultra-violets).

Après la phase aigüe, fait suite une seconde phase avec une reprise progressive de l’activité sans impact. Puis progressivement, une reprise normale de l’activité avec parfois quelques corrections techniques.

La prévention

La prévention, la prévention et encore la prévention : l’augmentation PROGRESSIVE des charges est primordiale.

La qualité du chaussage paraît une évidence et des adaptations du chaussage chez un podologue peuvent parfois être envisagées.

On retient que la fracture de fatigue est une lésion d’hypersollicitation de l’os, témoin en général d’un surmenage. Chez le coureur à pied, le tibia est la première cible. La vitamine D fait partie du traitement et aussi de la prévention. Après la survenue d’une fracture de fatigue il faut adapter ses entraînements : la prévention, la meilleure option pour pratiquer son activité dans de bonnes conditions !

Bibliographie

[1] Breithaupt M (1855) The pathology of the human foot [in German]. Medizin Zeitung 24:169–175

[2] Matcuk, G. R., Mahanty, S. R., Skalski, M. R., Patel, D. B., White, E. A., & Gottsegen, C. J. (2016). Stress fractures: pathophysiology, clinical presentation, imaging features, and treatment options. Emergency Radiology, 23(4), 365–375. doi:10.1007/s10140-016-1390-5

[3] De labareyre H., Rodineau J. Les fractures de fatigue chez le sportif. Edition Masson. 2000

[4] Chanussot J-C, Danowski R-G. Traumatologie du sport. Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine): Elsevier Masson; 2012.

[5] Bousson, V., Wybier, M., Petrover, D., Parlier, C., Chicheportiche, V., Hamzé, B., … Laredo, J.-D. (2011). Les fractures de contrainte. Journal de Radiologie, 92(3), 188–207. doi:10.1016/j.jradio.2011.02.001

[6] https://www.irbms.com/fractures-de-fatigue/

[7] Abdelghani, K. B., & Ajili, F. (2014). Fracture de fatigue bilatérale des jambes au décours d’une marche soutenue. Pan African Medical Journal, 17. doi:10.11604/pamj.2014.17.10.3798

[8] image : https://mahacis.files.wordpress.com/2014/07/clip_image010.png

Un article rédigé par :
Pauline Six – Médecin du sport

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