Le syndrome de l’essuie-glace, cette douleur qui vous agace

Le syndrome de l’essuie-glace, cette douleur qui vous agace

Au début, dans la course à pied, tout se passe bien et dès qu’on augmente le kilométrage les ennuis commencent à apparaître. Le syndrome de l’essuie-glace, la fameuse douleur de la face externe du genou bien connue par les adeptes de running. Absente au repos, elle revient systématiquement au même endroit et au même kilométrage … fourbe !

Définition – le syndrome de l’essuie-glace

Le syndrome de l’essuie-glace est également retrouvé sous le nom de syndrome de la bandelette ilio tibiale. C’est une pathologie très rencontrée chez le coureur à pied. Elle peut survenir de façon beaucoup plus rare lors de la pratique du vélo ou de la marche prolongée. C’est la deuxième lésion la plus courante chez les coureurs après le syndrome fémoro-patellaire et la première cause des douleurs latérales du genou [1]. Dans un article de Lavine paru en 2010 [2] on observe que ce syndrome concerne 21% des blessures du genou et possède une incidence comprise entre 1.6% et 12% chez les coureurs.

Un peu d’anatomie pour bien comprendre le mécanisme douloureux

Avant de rentrer dans le vif du sujet, parlons un peu d’anatomie. Tout d’abord, la bandelette ilio-tibiale est une bandelette fibreuse. 

  • Au niveau de la hanche, cette bandelette est renforcée par différents muscles qui s’attachent dessus : en avant s’attache le muscle tenseur du fascia lata (TFL) et en arrière s’attache le muscle grand fessier. Cette bandelette permet à ces mêmes muscles de transmettre leur force. Ils pourront alors être responsables de son éventuel excès de tension. 
  • Au niveau du genou, cette bandelette fibreuse se termine principalement sur le tibia au niveau du tubercule de Gerdy. A noter qu’au niveau du genou, la bande possède plusieurs expansions dont notamment une expansion patellaire qui peut être responsable de douleurs rentrant dans le cadre du syndrome rotulien. 

Schéma d’après Anatomie de l’appareil locomoteur : Tome 1, Membre inférieur de M. Dufour [3]

Au cours de son trajet, la bandelette va rencontrer la face latérale du condyle fémoral externe. C’est le frottement entre la bandelette et ce condyle fémoral qui, lorsqu’il est répété, devient douloureux. En effet, la bandelette peut présenter des signes d’inflammation avec notamment l’apparition d’une bursite (poche de liquide inflammatoire en regard de la bandelette).

Et maintenant, un peu de biomécanique sur le syndrome de l’essuie-glace

Biomécanique du mouvement de flexion – extension du genou

L’amplitude de mouvement où le frottement est le plus important se situe entre 20 et 30° de flexion de genouCeci explique pourquoi cette douleur survient plutôt chez les coureurs et surtout les coureurs de fond. En effet, chez les coureurs, le genou se trouve dans cette position et les mouvements de flexion-extension sont répétés. 

Biomécanique du syndrome de l’essuie-glace [4]

L’appellation « syndrome de l’essuie-glace » vient du fait, qu’en extension du genou, la bandelette ilio-tibiale est située en avant de la tubérosité du condyle latéral, et qu’en flexion, celle-ci glisse sous le condyle latéral à la manière d’un essuie-glace.

Biomécanique du mouvement global

Le syndrome de l’essuie-glace est en fait le résultat d’un problème biomécanique plus profond. Tout ne se passe pas uniquement au niveau du genou. Il faut analyser les mouvements de l’ensemble du membre inférieur pour le comprendre :

  • Au niveau de la hanche, la bandelette ilio-tibiale joue le rôle de stabilisateur latéral. Elle aide le muscle moyen fessier à maintenir l’équilibre du bassin lorsqu’on est en appui sur un seul pied [5,6]. 
  • Au niveau du genou, il existe un genu valgum naturel (voir image) [5]. Cette position particulière du genou a permis à l’homme une meilleure maîtrise de la station debout et de la marche (c’est un avantage que nous avons sur nos ancêtres les singes !). Cette position nécessite des structures latérales solides dont fait partie le tenseur du fascia lata [5,6].
  • Enfin, à la manière des rênes sur le mors chez le cheval [5], les muscles de la patte d’oie (qui s’insèrent sur la partie interne du genou et sont rotateurs médiaux du genou) vont contrôler la rotation latérale et le tractus ilio-tibial associé au biceps fémoral (qui sont les rotateurs latéraux) va contrôler la rotation médiale. Lors de la flexion du genou, il existe physiologiquement une rotation médiale du tibia par rapport au fémur qui nécessite donc un « rééquilibrage » par les muscles rotateurs latéraux. 

Les causes du syndrome de l’essuie-glace

Les causes sont multifactorielles [7]. En effet, elles peuvent être liées à des problèmes d’anatomie, de biomécanique ou encore à des « inadaptations » dans la pratique sportive [8]. 

Ces facteurs liés à la pratique (ceux qui vous intéressent le plus !) sont :

  • augmentation de la quantité d’entraînement 
  • augmentation des charges entraînement
  • revêtement bombé de la chaussée
  • course en descente
  • chaussures usées 
  • semelles podologiques inadaptées
  • mauvaise position du pied 

Les symptômes et l’examen clinique

La localisation de la douleur est strictement latérale, et au-dessus de l’articulation entre le fémur et le péroné (3 cm). La sensation douloureuse varie selon l’activité entre une gêne jusqu’à atteindre une douleur intolérable provoquant l’arrêt totale d’activité. 

Les symptômes se manifestent à chaque reprise d’activité sportive avec une régularité très précise. Le coureur lui-même pourra exprimer cette régularité. 

Les douleurs apparaissent toujours sur une même distance, sur une même durée d’entraînement ou en arrivant dans un « lieu » précis. 

Le diagnostic peut être affirmé grâce à deux tests :

– le test de RENNE avec apparition spontanée de la douleur lorsque le coureur est en appui unipodal du côté incriminé, genou fléchi à 30-40°.

– le test de NOBLE : le coureur est allongé sur le dos, la pression directe par le médecin de la face externe du condyle latéral, à 3 cm au-dessus de l’interligne articulaire, réveille des douleurs lors de la mise en extension passive du genou aux alentours de 30° de flexion.

Les examens complémentaires à réaliser

Les examens complémentaires sont la plupart du temps inutiles. Le diagnostic étant clinique, ils seront demandés par le médecin uniquement devant un tableau clinique plus « frustre » ou devant la persistance des symptômes. Ces examens ont plus pour but d’éliminer les autres causes de douleur externe du genou.

La rééducation du syndrome de l’essuie-glace

La prise en charge est principalement rééducative [7].  

La poursuite de l’activité est possible mais de manière freinée et adaptée. Le but est ainsi de courir sans douleur. Si la douleur survient, c’est mauvais signe, il faut encore ralentir !

Repos, assouplissement, renforcement, correction biomécanique, changement de chaussures et reprise de l’entraînement en douceur font partie du traitement draconien spécifique à ce syndrome.

Le syndrome de l’essuie-glace, l’ennui numéro 2 des coureurs. Plutôt décrit comme une gêne qu’une douleur. L’arrêt total de la course n’est pas obligatoire mais l’adaptation de sa pratique et la rééducation ne sont pas en option ! Pour bénéficiez d’un programme de soin adapté, pensez à télécharger l’application Running Care.

Bibliographie

[1] Taunton JE, Ryan MB, Clement DB, et al. A retrospective case-control analysis of 2002 running injuries. Br J Sports Med 2002;2:95–101.  

[2] Lavine R. Iliotibial band friction syndrome. Curr Rev Musculoskelet Med. 20 juill 2010;3(1‑4):18‑22.

[3] Anatomie de l’appareil locomoteur: Tome 1, Membre inférieur de M. Dufour

[4] Delacroix S. Quantitative gait analysis and podiatry. Revue du Podologue, Volume 10, 2014

[5] DUFOUR M, PILLU M. Biomécanique Fonctionnelle. Elsevier Masson; 2006. 

[6] Klein P, Sommerfeld P. Biomécanique des membres inférieurs. Elsevier Masson. Gregg Colin; 2008.

[7] Hadeed A, Tapscott DC. Iliotibial Band Friction Syndrome. [Updated 2019 May 29]. In: StatPearls [Internet]. Treasure Island (FL): StatPearls Publishing; 2019 Jan-. Available from: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK542185/

[8] Chanussot J-C, Danowski R-G. Traumatologie du sport. Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine): Elsevier Masson; 2012.

Un article rédigé par :
Pauline Six – Médecin du sport

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