La glutamine est-elle indispensable aux coureurs ?
Vous vous sentez fatigué ? Votre période d’entraînement est plus intensive ? Des amis coureurs ou des professionnels (vendeurs en magasins spécialisés, pharmaciens, entraîneurs…) vous ont peut-être déjà été conseillé de complémenter votre alimentation avec de la glutamine. D’abord très utilisée dans la pratique de la musculation, sachez que la consommation de glutamine est aujourd’hui également pratique courante chez les runners. Cependant l’effet recherché est bien différent. Vous vous posez des questions sur son mode d’action, sur son efficacité ou sur son innocuité? Vous trouverez dans cet article toutes les réponses à vos interrogations.
Qu’est-ce que la glutamine ?
La glutamine est un acide aminé non essentiel. Les acides aminés sont les unités constitutives des protéines. Ils sont dits non essentiels lorsqu’ils sont naturellement fabriqués par l’organisme à partir d’autres acides aminés, et qu’ainsi leur apport via l’alimentation n’est pas nécessaire. Alors, pourquoi le consommer me direz-vous? Tout simplement parce que cet acide aminé, bien que non essentiel, a toute son utilité.
Les muscles squelettiques (muscles permettant les mouvements du squelette) sont les principaux producteurs de glutamine [1]. Elle joue plusieurs rôles dans l’organisme :
- fonctionnalité du système immunitaire
- préservation du tractus digestif (souvent mis à rude épreuve lors de la pratique de la course à pied)
- atténuation de la réponse inflammatoire
- stimulation de la synthèse des protéines de l’organisme (fortement impacté par l’exercice physique)
- intervient dans la synthèse d’un composé antioxydant, le glutathion
- participe à la reconstitution des réserves de glycogène et de glucose (les principaux substrats énergétiques du sportif)
Où retrouve-t-on la glutamine ?

Naturellement présente dans la viande, le poisson, les produits laitiers, les légumineuses et les céréales, elle est régulièrement utilisée en complément alimentaire par les sportifs. Elle est principalement vendue sous forme de capsules, de poudre, ou associé aux compléments protéiques (whey, isolat, BCAA…). La glutamine est issue d’un processus de fermentation bactérienne (comme le fromage) avant d’être isolée sous forme de L-Glutamine [2]. Le procédé ayant normalement lieu dans une enceinte close (sous pression et stérilisée), les risques de contamination sont faibles.
Glutamine et amélioration de la condition physique
La pratique sportive prolongée (supérieure à 1h), induit une diminution normale du niveau de glutamine dans l’organisme, qui revient naturellement à son niveau basal après quelques heures de récupération. La supplémentation en glutamine vise à rétablir plus rapidement son taux sanguin et ainsi à optimiser la récupération physique.
Mythe ou réalité ?
- Le système immunitaire : après un effort prolongé, le système immunitaire se trouve légèrement affaibli, rendant l’organisme plus vulnérable aux infections, principalement des voies respiratoires supérieures [3, 4, 5, 6]. La supplémentation en glutamine aurait la capacité de renforcer le système immunitaire. Des études scientifiques ont testé cette hypothèse! Mais malheureusement : pas d’effet probant [3, 6, 7, 8, 9].
- Les muscles : comme vous le savez surement, lors d’un effort physique, les contractions musculaires répétées sont responsables de production d’acide lactique et de microlésions des fibres du muscle. Après un long run, les muscles doivent être réparés. La glutamine consommée étant principalement utilisée par les cellules de l’intestin et du foie, elle n’est pas en mesure de participer significativement à la récupération musculaire.
- Les réserves énergétiques : l’énergie nécessaire à un effort physique est fournie sous forme de glucose aux muscles. Lorsque le glucose sanguin n’est plus présent en quantité suffisante, le foie fournit le glucose qu’il a stocké sous forme de glycogène (cf article métabolisme). Lors de la récupération, la consommation de glutamine en concomitance avec une boisson sucrée (riche en glucose), permet de reconstituer plus rapidement le stock de glycogène hépatique [10].
- Le tube digestif : chez le runner, le tube digestif subit des chocs répétés et un manque d’afflux sanguin. Il en résulte des microlésions, un état inflammatoire et éventuellement de petites hémorragies passagères. La supplémentation en glutamine jouerait un rôle protecteur face à ces phénomènes [11].

La glutamine ou comment rendre les muscles fainéants
“Plus la richesse des peuples est grande, plus ces peuples sont paresseux” (Samuel Ferdinand Lop). L’organisme agit de la même façon. Plus vous lui apportez de la glutamine, moins votre organisme estimera nécessaire d’en fabriquer. En plus, la glutamine consommée étant principalement utilisée par l’intestin et le foie, les muscles risquent de se retrouver en déficit.
Pour rien arranger, les nutriments que vous consommez ont également l’esprit de compétition. Si l’un d’entre eux (la glutamine par exemple) arrive en grande quantité au niveau du tube digestif, il va empêcher les autres de passer la barrière intestinale. La (complémentation) supplémentation peut ainsi également induire un déficit en d’autres nutriments.
L’avis des experts sur la glutamine
Bien que certaines études tendent à démontrer les bénéfices de la glutamine sur la récupération de l’athlète, les preuves ne sont pas encore suffisantes. Il est donc prématuré d’affirmer qu’une complémentation est nécessaire, d’autant plus que sur du long terme elle n’est pas exempt d’effets secondaires (risque accru de cancer, affection rénales, altération métabolique…)[12].
Maintenant que vous êtes devenu expert au sujet de la glutamine, à vous de juger!
Bibliographie
[1] De Macar-Culée, A. (2018). Effets d’une supplémentation en glutamine chez des nageurs de haut niveau.
[2] Kusumoto, I. (2001). Industrial production of L-glutamine. The Journal of nutrition, 131(9), 2552S-2555S.
[3]Castell, L. M., Poortmans, J. R., Leclercq, R., Brasseur, M., Duchateau, J., & Newsholme, E. A. (1996). Some aspects of the acute phase response after a marathon race, and the effects of glutamine supplementation. European journal of applied physiology and occupational physiology, 75(1), 47-53.
[4]Castell, L. M. (2003). Glutamine supplementation in vitro and in vivo, in exercise and in immunodepression. Sports medicine, 33(5), 323-345.
[5]Castell, L. M., & Newsholme, E. A. (1997). The effects of oral glutamine supplementation on athletes after prolonged, exhaustive exercise. Nutrition, 13(7-8), 738-742.
[6]Gleeson, M. (2008). Dosing and efficacy of glutamine supplementation in human exercise and sport training. The Journal of nutrition, 138(10), 2045S-2049S.
[7]Mackinnon, L. T., & Hooper, S. L. (1996). Plasma glutamine and upper respiratory tract infection during intensified training in swimmers. Medicine and science in sports and exercise, 28(3), 285-290.
[8]Kingsbury, K. J., Kay, L., & Hjelm, M. (1998). Contrasting plasma free amino acid patterns in elite athletes: association with fatigue and infection. British journal of sports medicine, 32(1), 25-32.
[9]Castell, L. M., Newsholme, E. A., & Poortmans, J. R. (1996). Does glutamine have a role in reducing infections in athletes?. European journal of applied physiology and occupational physiology, 73(5), 488-490.
[10]Bowtell, J. L., Gelly, K., Jackman, M. L., Patel, A., Simeoni, M., & Rennie, M. J. (1999). Effect of oral glutamine on whole body carbohydrate storage during recovery from exhaustive exercise. Journal of Applied Physiology, 86(6), 1770-1777.
[11]Zuhl, M. N., Lanphere, K. R., Kravitz, L., Mermier, C. M., Schneider, S., Dokladny, K., & Moseley, P. L. (2013). Effects of oral glutamine supplementation on exercise-induced gastrointestinal permeability and tight junction protein expression. Journal of applied physiology, 116(2), 183-191.
[12]Holecek, M. (2013). Side effects of long‐term glutamine supplementation. Journal of Parenteral and Enteral Nutrition, 37(5), 607-616.
Un article rédigé par :
Camille Lamy – Experte en nutrition sportive

Camille est un chercheur accompli et un communicateur scientifique passionné, spécialisé dans divers domaines allant de l’astrophysique aux neurosciences cognitives.