Le Flow : l’art de la maîtrise et du moment présent

Au 21ème siècle, courir est l’une des pratiques sportives les plus populaires, les plus médiatisées et les plus fédératrices. Courir permet de rester en forme, de prendre du temps pour soi, et de se retrouver entre amis. Courir c’est aussi ressentir du plaisir, de la joie et de la satisfaction. C’est maîtriser un art et c’est parfois atteindre un état de bien-être nullement comparable. Et si dans ce dernier cas, c’est l’état de flow que nous expérimentions ?
L’état de Flow, c’est quoi ?
L’état de flow est un état de conscience qui émerge chez n’importe quelle personne qui s’engage dans ses passions et dans l’accomplissement de ses buts. L’état de flow arrive lorsque nous réalisons une activité qui nous motive, qui nous met à l’épreuve sans trop nous épuiser et dont les objectifs correspondent à ce que nous pouvons accomplir tant physiquement que psychologiquement. Ainsi, l’état de flow apparait lorsque nous sommes poussés dans nos retranchements et que dans un effort volontaire, nous décidons d’aller au-devant des obstacles afin d’accomplir cette tâche difficile qui en vaut la peine. L’état de flow est synonyme d’engagement, de maîtrise et d’accomplissement. En cela, cet état diffère de la « high experience » qui est une pure réponse hormonale à l’effort physique réalisé.
Comment fonctionne le Flow ?
Un état d’attention focalisée
L’état de conscience du flow nous amène naturellement à prêter attention, et ceci de manière complète, à ce que nous ressentons, ce que nous voyons et ce que nous vivons. Nous sommes en mesure de ressentir tout notre corps, de prêter attention au paysage ainsi qu’à nos compagnons de course. Durant un état de flow, prêter attention se fait « sans aucun effort ». Du moins, pas plus que d’habitude. En effet, nous sommes dans un état qui nous amène à prêter attention à ce qui nous entoure et qui est relié à la course, et ce sans aucun effort supplémentaire.
De cette manière, alors que nous faisons attention à beaucoup de choses, nous ne nous sentons pas plus fatigué ou exténué qu’en faisant attention un minima à la course et en pensant à autre chose. C’est en cela que la course en état de flow n’est pas plus couteuse. Nous prêtons exclusivement attention aux stimulations internes et externes reliées à la course sans penser à nos difficultés quotidiennes, au travail ou à nos obligations. Seul compte le moment présent de la course et tout ce qui y est associé, rien d’autre.
Une fusion entre l’action et la conscience, un vrai sentiment de contrôle
Réaliser une activité sous l’état de conscience du flow, c’est réaliser une activité dont les difficultés sont à la hauteur de ce que nous pouvons gérer physiquement et psychologiquement. En conséquence, réaliser une activité sous l’état de conscience du flow, c’est réaliser une activité comme elle devrait l’être, comme nous sommes en mesure de l’accomplir avec nos forces et nos faiblesses. A ce moment-là une fusion entre ce que nous sommes en train de faire et ce que nous sommes en mesure de faire se réalise. S’en suit un sentiment de maîtrise et de contrôle absolu car « c’est ce qui devait être ». Cette fusion est alors souvent synonyme de légèreté et de facilité lorsque l’on court. Courir à une intensité dont les demandes sont à la hauteur de ce que nous pouvons gérer, c’est alors optimiser les conditions nous permettant de vivre l’état de flow et de maîtrise parfaite de ce que nous faisons.
Un changement dans la conscience de soi et du temps
A la différence de notre état de conscience habituel, l’état de conscience du flow nous empêche de nous identifier à notre égo et à nos croyances. Seul compte ce que nous sommes en train de faire et dans quelle mesure de nous capables de l’accomplir. Notre attention se focalise sur ce que nous faisons, sur l’environnement dans lequel nous nous trouvons et sur le sentiment de contrôle et de maîtrise qui émane de nous. Dans ces conditions, notre façon de nous voir et de nous percevoir n’est plus relié aux croyances que nous avons sur nous-mêmes et sur le monde mais sur les seules sensations physiques et psychologiques qui émergent de la réalisation de l’activité. Seules existent l’action que nous réalisons, les sensations positives qui en découlent et l’absence de pression temporelle associée. Cette caractéristique de l’état de flow nous permet de vivre pleinement la course sans être influencé(e) parce que nous pensons pouvoir ou devoir faire. Au niveau cérébral, l’état de flow nous permet d’agir sans émotions, sans croyances et sans avoir besoin de nous identifier à elles. Courir eun état de flow c’est donc agir en s’extrayant de la nécessité de ressentir et de réguler des émotions ou des pensées dont l’origine n’est pas associée à ce que nous sommes actuellement en train de faire. Ainsi, c’est vivre pleinement la course sans avoir à penser et repenser constamment aux soucis ou journées stressantes que nous vivons.

Comment optimiser ses chances de vivre l’état de conscience du flow ?
Clarifier ses objectifs
Définir des objectifs clairs c’est définir des objectifs qui nous correspondent et que nous sommes capables d’accomplir. L’atteinte d’objectifs trop simples, ennuie. L’atteinte d’objectifs trop compliqués, fatigue. A l’inverse, l’atteinte d’objectifs dont la difficulté est à la hauteur de ce que nous sommes capables de faire nous permet de nous surpasser, de faire appel à des ressources dont nous n’avions pas conscience et ainsi d’optimiser l’expérience de flow. Optimiser les possibilités de vivre cet état de conscience passe dont pas une identification claire des objectifs à court, moyen et long terme et ce dans toutes les sphères de la vie (corporelle, émotionnelle, sociale). Il est également important de ne pas hésiter à les modifier afin qu’ils soient parfaitement concordants avec ce que nous sommes et ce que nous pouvons et souhaitons accomplir.
Trouver une balance entre challenge et compétences
Trouver une balance entre challenge et compétences personnelles c’est comme se définir des objectifs. Réaliser une séance trop facile ne nous met pas à l’épreuve et nous ennuie. Réaliser une séance trop difficile nous stimule trop voire nous épuise. A l’inverse, réaliser une séance dont les difficultés sont à la hauteur de ce que nous pouvons gérer tant physiquement que psychologiquement nous mets à l’épreuve, nous permet de puiser en nous et de réaliser une tâche dont nous nous serions peut-être crus incapables. Optimiser le vécu de l’état de conscience du flow c’est alors prendre le temps d’apprendre ce que nous sommes en mesure d’accomplir et ce que nous ne pouvons réaliser. Il est toutefois à noter qu’en plus de cette balance entre challenge et compétences, courir dans un bel endroit, savoir que l’on emmène son équipe vers la victoire ou prendre conscience des bienfaits que nous procure la course sont également des éléments favorables à l’émergence du flow. L’optimisation de cet ensemble et l’attention complète et entière que nous y accordons est la voie vers le flow.
Sélectionner des sensations “amies” qui nous guideront
Définir ce que nous prévoyons comme sensations est aussi important que définir nos objectifs et la complexité de notre séance. Les sensations nous permettent de savoir si ce que nous faisons est bon (sensations positives) ou mauvais pour nous (sensations négatives). Définir précisément les sensations sur lesquelles nous décidons de nous appuyer c’est se donner la possibilité de guider efficacement notre course, de posséder toutes les ressources attentionnelles qu’il faut, et c’est trouver un outil fiable de la balance entre challenge et compétences. Bien définir ce dont nous avons besoin pour nous guider est donc essentiel. Avant chaque séance prenez donc le temps d’identifier les sensations qui guideront votre pratique. Charge à chacun de trouver les siens. A titre d’exemple, les sensations de plaisir et/ou de déplaisir, tout comme les retours de nos co-équipiers sont des bonnes « sensations amies » pouvant nous aider à gérer efficacement notre course et optimiser nos chances de vécu du flow.
Garder un haut niveau de motivation intrinsèque
La motivation intrinsèque permet d’augmenter notre volonté de perfectionner nos compétences. A mesure que nos compétences s’améliorent, nous devons meilleurs dans l’accomplissement de nos objectifs ; augmentant ainsi la probabilité de vivre positivement une séance, de la réaliser avec l’ensemble de nos compétences et de notre attention et ainsi vivre une expérience de flow. Garder une motivation intrinsèque élevée est donc une clef essentielle vers plus de probabilité d’expérimenter le flow. Pour cela, à chaque moment, ressentez intensément le plaisir que la course vous donner. Si vous ne ressentez que du déplaisir, modifier votre séance afin que le plaisir et donc la motivation intrinsèque émerge à nouveau.

Un article rédigé par :
Mauraine Carlier – Docteur en Psychologie du Sport
Bibliographie
Csikszentmihalyi, M., Latter, P., & Duranso, C. W. (2016). Running Flow (1 edition). Human Kinetics, Inc.

Mauraine est docteur en psychologie cognitive et psychologie du sport. Son travail porte sur l’étude des facteurs psychologiques et cognitifs prédisant l’occurrence des blessures chez les coureurs.